Alice Walker, écrivaine afro-américaine, défini le colorisme comme étant « le traitement de faveur auxquels sont confrontées les personnes d’une même race basée uniquement sur leur couleur de peau ». L’écrivaine popularise ce concept dans les années 80 grâce à son roman «La couleur pourpre » et son recueil de poèmes « In search of our mother’s garden ». Selon la définition de ce concept, le colorisme permettrait aux personnes ayant une proximité physique supposée ou réelle avec les blancs de jouir de certains bénéfices aux détriments des personnes qui en sont le plus éloignées.
Mais d’où vient ce concept de colorisme ?
Le colorisme découlerait de la période de l’esclavage : En Afrique, lorsque l’on remonte à l’Egypte antique, la peau noire foncée était valorisée. Il n’était pas rare de représenter les divinités dans cette couleur. Mais lorsque le continuent fut pris d’assaut et que les populations furent esclavagisées, la tendance a été incontestablement inversée. Durant l’esclavage, les esclaves clairs de peau travaillaient à l’intérieur des maisons, il s’agissait des esclaves de maisons ou nègre de maison. Les plus foncés travaillaient à l’extérieur (esclaves des champs, nègres des champs). Les esclaves de maisons étaient privilégiés par rapport à ceux de l’extérieur car ils avaient des vêtements de meilleures qualités, certains pouvaient même apprendre à lire, etc. Les plus clairs de peau étaient également vendus plus cher que les plus foncés. Pourtant, tous avaient le statut d’esclave. Ne nous leurrons pas, ce concept de colorisme a été mis en place par les esclavagistes uniquement pour répondre au besoin de «diviser pour mieux régner ».
Effectivement, ces différences de traitement créent une division au sein d’une même communauté. En accordant des privilèges à certains grâce à leur physique au détriment des autres, il ne peut en résulter que des tensions. Ces privilèges ont la dent dure et continuent aujourd’hui d’exister entrainant dans leur sillage un raz de marée de drames sanitaires tels que la dépigmentation et le défrisage. Cette division ne favorise que le dominant.
Le colorisme est un système complexe plus ou moins arbitraire. Pour être plus précis et être mieux compris, le colorisme doit être pris dans son sens large. Être clair de peau n’est pas le seul critère car l’idée dominante est de favoriser ce qui se rapproche davantage du blanc ou plutôt ce qui est supposé se rapprocher le plus du blanc. On peut citer la teinte de la peau mais également la texture des cheveux, la forme du nez, la couleur des yeux, l’épaisseur des lèvres, etc. Dans l’imaginaire commun et encore davantage dans l’imaginaire blanc, le noir est forcément foncé de peau avec les cheveux crépus, des lèvres épaisses et un nez dit épaté, or l’Afrique est un continent abritant de multiples physiques. La race noire est multiple (scientifiquement, il n’existe qu’une seule race humaine, entendons ici le terme « race » comme concept social). D’ailleurs, il est bon de relever que les albinos noirs ne sont pas privilégiés par le colorisme pourtant ils arborent une peau blanche. Mais les albinos ont souvent des traits dits « négroïdes » et les cheveux crépus, ils présentent donc un faciès bien trop différent de celui d’un blanc occidental. C’est la proximité réel ou supposé avec le blanc qui compte davantage. C’est pourquoi, un ou une métisse ne sera pas forcément bénéficiaire du colorisme car il existe des métis foncés de peau et/ou avec des cheveux crépus. Profitons-en pour aborder ce concept flou de « métisse. Est-ce le fait d’avoir un géniteur blanc comme ceux qu’on appelait mulâtre auparavant ? Est-ce le fait d’avoir deux origines différentes comme l’indique le dictionnaire français ? Est-ce une couleur de peau ? Bon nombre de personnes claires de peau qui n’ont pas de géniteurs blancs sont considérées comme étant métisses et a contrario des personnes foncés de peau ayant un géniteur blanc et arborant des cheveux crépus ne sont pas considérés comme métisses aux yeux des autres. Avoir un grand parent blanc, un arrière grand parent blanc, est-ce cela être métisse ? Suffit-il d’avoir un ancêtre blanc pour être qualifié de métisse ? Aujourd’hui, être métisse semble être davantage une couleur de peau (au premier abord) et cela renvoie encore à cette notion de colorisme. A titre d’exemple, une entreprise recherche un salarié et précise vouloir une personne blanche ou métisse (oui cela existe en Afrique), comment le recruteur saura que la personne qui se présente pour le poste est métisse ou a simplement la peau claire ? A moins que durant l’entretien, on ne lui demande une photo de son géniteur ou encore mieux, une présentation de son arbre généalogique. Plus sérieusement, le recruteur n’exprimera jamais frontalement son désir, il choisira donc par rapport à des à priori et à des critères totalement arbitraires.
Il est bon de relever que dans la langue que nous parlons, nous francophone, nous favorisons le colorisme à tout bout de champs. Effectivement, dans la langue française, tout ce qui est noir est mauvais or nous sommes qualifiés comme étant noirs et nous nous qualifions, nous-même, comme étant noirs. Exemple : « Avoir le cœur noir/avoir le cœur blanc », « broyer du noir », « chat noir », « avoir des idées noirs », « voir tout en noir », « magie noire/magie blanche», etc…
Même dans certaines représentations religieuses, le noir est vu comme le mal.
Le colorisme au sens strict ne concerne que la carnation de la peau mais il existe le colorisme au sens large qui englobe également ce que certains appellent le texturisme (la texture des cheveux). Etant donné que ce qui se rapproche du blanc est mieux perçu, les cheveux n’y échappent pas. Le cheveu crépu n’est pas perçu comme beau. Plus le cheveu est crépu, moins il plait, moins il est représenté.
Au début de l’essor du mouvement nappy, les cheveux bouclés/frisés étaient le « must-have » et les plus représentés. Heureusement le mouvement nappy a pris tellement d’essor que l’Afrique elle-même prône de plus en plus un retour aux cheveux naturels car il ne s’agit pas seulement d’esthétique mais également de santé. Le défrisage est dangereux pour notre santé. Avez-vous déjà remarqué que l’odeur du défrisant se rapproche de celui des déboucheurs de canalisation ? de la soude donc… Ces produits sont même soupçonnés d’être à l’origine des fibromes dont souffrent énormément de femmes noires.
Le colorisme est un véritable fléau pour la communauté noire. En plus de toucher à notre estime et à la perception de nous-même, il s’agit d’un véritable danger sur le plan de la santé.
Sénami Hazoumé-Grié
Sources :
https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/brazil-racialised-sperm-economy-180426093908976.html
http://neoquebec.com/actualites/le-colorisme-une-discrimination-nee-de-lesclavage-et-taboue-dans-les-communautes-noires-part-1/
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