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Photo du rédacteurONG AUDACE CI

Les épidémies dans l’histoire de l’Afrique


Fièvre jaune, choléra, variole, grippe espagnole, peste, etc, le continent africain n’est pas novice en ce qui concerne les épidémies. En matière de santé, l’histoire de l’Afrique privilégie les sources européennes pourtant lacunaires car limitées à la population des comptoirs. Ce n’est véritablement qu’à partir de la seconde moitié du 19e siècle que l’on trouve des détails sur des maladies ayant affectés les sociétés africaines et non seulement les comptoirs.

Les sources orales, rarement interrogées, furent davantage sollicitées à partir du XXe siècle. Elles sont plus nombreuses et évoquent les rapports entre deux types de médecine et de gestion de la santé : celui des sociétés africaines et celui imposé par le colon.

Malheureusement, peu de sources sont disponibles concernant les périodes antérieures à celle-ci. Nous allons, donc aborder trois maladies qui ont sévi sur le continent africain durant la période de la colonisation.


La maladie du sommeil

La maladie du sommeil ou la Trypanosomiase humaine africaine. Il s’agit d’une maladie tropicale transmise par la mouche tsé-tsé qui sévit exclusivement en Afrique. Ce mal cause des troubles psychiatriques et neurologiques entrainant des dysfonctionnements du sommeil et du comportement pouvant aller jusqu’à la mort. La maladie du sommeil inquiétait énormément les colons, (Français, Belges, Britanniques et Allemands) non par générosité, altruisme ou humanisme mais parce qu’elle paralysait la main d’œuvre dont ils avaient désespérément besoin. Une seule idée les obsédait : son éradication.

L’anthropologue Guillaume Lachenal, dans son livre intitulé : « Le médicament qui devait sauver l’Afrique », présente le résultat de ses recherches menées sur la Lomidine, un traitement injecté aux africains dans le cadre de la lutte contre la maladie du sommeil. Guillaume Lachenal explique que, dans les années 30, les occidentaux découvrent que la maladie du sommeil peut être soignée par la pentamidine (molécule commercialisée sous le nom de Lomidine). Après la seconde guerre mondiale, suite à quelques études supplémentaires, ils concluent que cette molécule immunise les individus contre cette maladie. S’ensuit alors une campagne à grande échelle au Congo belge, en Afrique française et portugaise. Le Cameroun est également touché, Yaoundé et Douala notamment. 12 à 13 millions d’injections sont réalisées entre 1945 et 1960 entrainant avec elles leurs lots d’effets secondaires pouvant aller jusqu’à la mort.

Dans le cadre de ses recherches, l’anthropologue étudia les rapports traitant des campagnes d’injection de Lomidine et fit la découverte d’un un dossier consacré à « l’accident » de Yokadouma (Est du Cameroun) : Dans le village de Gribi de 300 habitants, 200 cas de gangrènes furent recensés suite aux injections de Lomidine ainsi que 30 morts. Le produit injecté était un mélange de poudre de Lomidine et d’eau mais cette dernière s’est avérée être contaminée par une bactérie. Ce risque aurait pu être, simplement, évité en utilisant une solution stérile. Parmi ces effets secondaires, on retrouve : des hypoglycémies brutales, des démangeaisons, des syncopes, des accidents cardiaques et des décès brutaux.



La grippe espagnole

A la fin de la seconde guerre mondiale, entre 1918 et 1919, plus de 50 millions de personnes voire 100 millions de personnes moururent de la grippe espagnole selon les estimations. Malgré sa dénomination, la grippe espagnole ne tire pas son origine de l’Espagne.

Elle revêt ce nom car, durant cette période, l’Espagne n’était pas soumise à la censure militaire ; elle a été la première à diffuser l’information de la pandémie dans ses médias. L’origine du virus de la grippe espagnole est partagée ; certaines sources évoquent l’Asie, et d’autres les Etats-Unis (au Kansas précisément). La gravité des symptômes était une caractéristique de cette maladie allant du saignement des oreilles à des hémorragies ou des œdèmes.

Malheureusement, l’Afrique ne fut pas épargnée par cette maladie. Colonisée, les va et vient entre l’Europe et l’Afrique était chose fréquente. L’épidémie s’est rapidement propagée sur le continent. Dans ce contexte de guerre, les occidentaux se procuraient des bras armés dans leurs colonies ; entre 400 000 et 500 000 africains ont ainsi été transportés en Europe pour s’engager dans la guerre. Pourtant, on retrouve peu de données fiables sur la manière dont la pandémie a sévi en Afrique. Selon les estimations du Bulletin of the History of Medicine (2002), le virus de la grippe espagnole aurait causé la mort d’environ 2,4 millions de personnes sur le continent africain ; mais il semblerait que les autorités coloniales ne se soient pas fortement mobilisées pour arrêter la propagation du virus. L’historien canadien Myron Echenberg apporte un début de réponse à cette question. Selon lui, cette négligence serait dû à l’apparition de la peste bubonique au Sénégal en 1914. Une des vagues épidémiques débuta en 1918 et aurait monopolisé toute l’attention des colons, hantés par le spectre du souvenir de la peste noire en Europe et des conséquences tragiques et durables qu’elle apporta dans son sillage. Frédéric Vagneron, historien, rapporte au sujet de la grippe espagnole dans le compte rendu de l’étude d’Echenberg : « très peu de médecins font preuve d’une compassion élémentaire devant le sort d’une population (sénégalaise) cruellement atteinte ». Mais cet argument ne vaut que pour le Sénégal, quid des autres colonies alors touchées par la grippe espagnole ? Voici une piste de réflexion à creuser.


La peste bubonique

Selon les estimations, l’épidémie de peste bubonique à Dakar fit entre 4000 et 8700 victimes.

L’épidémie débuta à Dakar en 1914. Elle sévit sur toute la partie côtière du Sénégal jusqu’en 1945 avec des pics épidémiques à certaines périodes. Cette maladie n’a touché que le littoral; l’intérieur du Sénégal ainsi que la Côte-d’Ivoire, la Haute Volta ni même la Guinée n’ont été touchés par cette épidémie malgré la circulation des hommes et des marchandises entre ces différente zones. Le port de Dakar était la porte d’entrée principale de la peste. Des mesures de confinement furent mises en place aboutissant à la destruction des villages traditionnels dans la périphérie de Dakar. Les populations furent relogées dans un bas quartier dénommé Ponty Village qui prendra ensuite le nom de « la Médina », créé dans le seul but de confiner les populations noires de Dakar et de les tenir éloigner des populations blanches. L’historien Mor Ndao précise : « Entre Ponty village et le plateau, on a édifié un espace "non ædificandi" (zone non constructible), un cordon sanitaire de 200 mètres de largeur qui sépare la ville africaine de la ville européenne. Beaucoup de Sénégalais n'avaient pas accès à la ville européenne. Les rares qui en avaient accès étaient contrôlés. Les colons voulaient confiner la peste dans la ville africaine. Le Plateau, est construit en hauteur. L'architecture est bien pensée pour lutter contre les épidémies en contraignant les Africains à rester dans les bas-fonds ». Parmi les mesures adoptées, la mise en quarantaine des bateaux.

A Yoff (quartier de Dakar), des mesures de confinement furent également prises. L’historien Elikia M’bokolo, dans son ouvrage « Peste et société urbaine à Dakar : l’épidémie de 1914 », nous explique qu’à Yoff, les mesures de confinement avait aggravé la situation. En effet, les habitants vivaient entassés, les uns sur les autres, dans des situations d’hygiènes déplorables. Afin de contenir cette population, l’administration coloniale fit encercler le village par 150 tirailleurs. La nourriture leur était apportée afin qu’ils ne se déplacent pas. L’historien précise qu’il s’agissait de « 500 grammes de riz, 50 grammes d'huile, 40 grammes de sel et 250 grammes de poisson ou de viande ». Malheureusement, ce régime alimentaire créa un terrain propice à la propagation de la maladie car elle entraina plusieurs cas de béribéri (maladie dû à un déficit en vitamine B1 que l'on peut observer en cas de malnutrition).

Depuis près d’un siècle de colonisation jusqu’à nos jours, il demeure une résistance de la médecine traditionnelle face à la médecine coloniale dite moderne. Cette dualité présente dans le domaine de la santé l’est également dans des domaines tels que le droit.

Il est bon de souligner, qu’au Soudan, par exemple, il existait des techniques traditionnelles d’inoculation antivariolique bien avant l’arrivée des occidentaux. Devant l’opposition des colons, ils furent réduits à la clandestinité.

L’Afrique n’étant pas sorti du néant, il est nécessaire, que nous nous intéressions à notre histoire, à nos connaissances ancestrales. Il est de notre devoir de mettre ces savoirs et connaissances en lumière, de les préserver et d’encourager les étudiants africains en médecine et dans les domaines liés à s’y intéresser et à investiguer...



Par Sènami Suzelle Grié-Hazoumé


Sources :

interview Guillaume Lachenal pour Jeune Afrique : https://www.jeuneafrique.com/43851/societe/livres-sant-le-scandale-de-la-lomidine-quand-la-b-tise-est-criminelle/

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/04/la-grippe-espagnole-un-secret-trop-bien-garde_6031737_3232.html

https://www.bfmtv.com/sante/l-epidemie-de-coronavirus-peut-elle-etre-comparee-avec-la-grippe-espagnole-1873200.html

https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/la-grippe-espagnole-de-1918-1919-aurait-tue-2-4-millions-dafricains_3851847.html

« Peste et société urbaine à Dakar : l’épidémie de 1914 » de Elikia M’Bokolo

http://www.sinesaloum.info/peste-variole-cholera-plongee-dans-l-histoire-des-epidemies-meurtrieres-au-senegal.html

« Epidémies et médecine coloniale en Afrique de l’Ouest » par Charles Becker et René Collignon

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